Je suais des prunes vertes pour le patron. Des roches, des bouteilles, des conques de lambi. Nous n’avons pas attendu sa réponse! La Mercedes de SNRSKY est jeté à la mer.
On perçoit leur nervosité. 4 usines!Ce n’est pas «on» qui fermait les usines! Monsieur jambe coupée! Le monde bougeait, trébuchait sur ses jambes.
Nous entendons les explosions des gaz lacrymogènes, nous recevons des coups de crosses de fusil, les matraques montent et descendent.
On brûlait ici ou là des voitures. Des mères incrédules refusent cette vérité.
J’ai vu d’autres voitures suspendues au bord du sacrifice et que l’on épargnait parce qu’elles appartenaient à tel ou tel commerçant bien connu. La paix des cimetières enveloppe les morts. Faire taire la meute! A certains nous demandions de parler en créole.
Nous l’avons envoyé s’occuper de ses affaires.
Luther King, Malcom X aux U.S.A, Lumumba en Afrique…Ils s’imaginaient que c’était une affaire de G.O.N.G, d’indépendance, de déstabilisation, de C.I.A, de petite guerre d’Algérie, d’atteinte à la sûreté de l’Etat… Quelques travailleurs qui demandent quelques sous… Un ras le bol… Monsieur Michel ne veut pas bailler deux sous… Maman la grève m’a barré… Maman la grève m’a barré… Maman les zombis m’ont barré… Le vent s’est levé et il appelle les répondeurs… Aïe! Qui était ce Brizzard? Le bureau me semblait rempli d’ombres, de fantômes.
C’était l’émeute. Nous autres, une fois de plus, nous avons payé trop cher le prix de notre travail. J’avais mes affaires à faire et je sentais que cette voix là n’aurait toléré aucune discussion ni aucune dérobade. Environ le prix de 5 litres de rhum!
La ville péta une colère.
Les lamentations, même étouffées, chiffonnent les visages. Le 23 mars, dans la nuit de jeudi à vendredi, une charge de dynamite explose, à Pointe-à-Pitre devant un magasin de chaussures appartenant au frère de SRNSKY. Comme nous ne savions pas, nous inventions la vérité. Ceux qui djobaient à droite et à gauche ! On vendait des barres de glace, des pistaches grillés, des topinambours, des limonades Ripmil, des sandwichs au maquereau, des doucelettes et, bien souvent, la viande restait l’affaire du dimanche. Je comprends maintenant que le temps n’est pas une coquille vide et que chaque arbre pourrait raconter une histoire. Nous n’avions pas le temps! Les bons paient pour les mauvais. Tout ce deuil sans sépulture… Cette fumée aux lèvres de la ville… Sans chroniqueur… Et dans le même temps, planning familial sur nous.
Beaucoup pensaient que c’était la fin… La fin des doudous couleur de foulards et de madras… Il y avait pourtant parmi eux de pauvres V.A.T avec des chaussures en plastique soucieux de comprendre cette société encayée dans les vestiges de l’esclavage.Ils reniflaient une odeur de pourri, de maldonne…Il faut toujours prendre garde au jour du malheur! Trois, c’est famille nombreuse. La Darse, le Quai Layrle, la rue Léonard, la Place de la Victoire s’embrasent.Avec presque rien! Groupes pourchassés. Deux ou trois seulement voyaient couler l’eau d’un robinet. Autant jeter de l’huile sur le feu! C’était comme ça! En plus, une parole circule.
Ces pères humiliés de ne pas pouvoir porter secours à la nuit et dont la tête éclate d’impuissance. Le Préfet et le Sous-préfet étaient blancs. Waters, lavabos, douches étaient rares comme un nègre riche. L’odeur de la ferraille brûlée et des caisses en flammes. Les C.R.S étaient blancs. Pot de terre contre pot de fer…C’est alors que face au monument aux morts, des fusils se mettent à parler français. Cela veut dire que les brouettes durcissaient mes mains, que les sacs de ciment cassaient mon dos, que j’avais les tempes maigres.Si tu n’écoutes pas, tu ne vas rien comprendre!
Ils sont tabassés. » osi an koumansé étidyé Labib, é an pa tadé a konprann kè sété lavérité. Il fallait des familles ajustées aux H.L.M. En 1963, Roujol à Petit-Bourg!
87 corps… ou peut-être le double… Peut-être… On ne peut pas salir la France comme ça! 4ans! Il y a l’odeur des dalots grouillant de golomines et de balles perdues. Les matraques, les fusils, les boucliers sont là pour rappeler qu’il s’agit bien d’une répression. Un pilote d’Air France. Les forces de l’ordre, en ce 26 mai, ressemblent à des tigres aux abois. On chuchotait, croix sur bouche, que certains avaient été jetés par-dessus le pont de la Gabarre, que d’autres avaient été enfouis à la Traversée.
A 17 heures 30, le maire de Pointe-à-Pitre, revêtu de son écharpe tricolore lance un appel au calme du côté du canal. Les commerçants respirent. L’émeute c’est la guerre des malheureux! Un chômeur? Je me brûlais la gueule avec du rhum pour le patron.
Ils sont blessés. Des gens se réfugiaient dans les couloirs des maisons. Ils baillaient la voix. Tu sais, la violence accompagne certaine situation. me suis donc mise à étudier la Bible moi aussi et j’ai vite été convaincue Mais j’ai été affecté à la salle à manger, puis à la cuisine, des services très agréables où j’ai beaucoup appris. J’ai vu un métropolitain que des guadeloupéens cachaient au fond d’une voiture, sous une couverture, afin qu’il puisse traverser les lignes de la rage.
Pleurer! De temps en temps, des coups de feu secouaient la ville. Tu avais d’un côté des blancs riches ou supposés tels. dè ba-yo sa yo té bizwen pou rafréchi-yo é pou mété-yo alèz a yo.C’était un plaisir de prendre soin d’eux en leur offrant des rafraîchissements et un peu de confort. Elle n’avait pas encore pris le virage de la «modernité» comme vous dites. Le chien est tué. Jaunis, à demi déchirés, pleins de poussière, ils n’avaient pas grande allure.
Vieux nègres, marchandes de poisson, crieurs de journaux, ferreurs de chaussures devant Bata, aides de transports en commun, conducteurs de triporteurs, propriétaires de mobylettes… La ville se grattait la tête en se demandant ce qu’elle allait faire de nous. Ils sont dispersés violemment. Je me souviens que le soleil avait froid pour ces corps baignés par le bleu de la mort.